mardi 10 août 2010

Avancer vers un but présent en soi mais encore inconnu…

Un an et demi que Philippe a percuté la falaise, nous rappelant que la pesanteur est cruelle. Vous avez peut-être lu les quelques lignes que j’ai couchées sur le papier dans un numéro d’Aérial, ce printemps 2010, elles concernaient la face aventurière de Philippe telle que je la cernais intimement au quotidien. A part cela, la vie se vit et ne se raconte pas…

Lou grandit étonnamment bien. Quant à moi, j’essaye aussi, à ma façon, de cheminer toujours vers l’avant. Cet automne, nous partons toutes les deux au Népal pour 4 mois et demi. Et je tenais à vous remercier tous, avant ce grand voyage, car chacun à votre manière, par vos mots, vos gestes si touchants, vous m’avez aidée sur ce chemin d’audace. Le blog ne sera pas actualisé durant notre aventure, car la plupart du temps nous serons en itinérance dans des zones où il n’y aura pas Internet. Au retour certainement, une relation, ambitieuse ou non (l’avenir le dira) pour vous partager ces instants !

A l’origine de notre projet, un vol bivouac solitaire de Philippe, en 2007, qui lui permettait de tracer un trait sur toute la partie du Népal occidental, et pouvoir rêver un jour d’avoir survolé l’ensemble de l’Himalaya. Il avait en effet défriché tout à l’Ouest le massif du Karakoram à de nombreuses reprises (Pakistan), plus au nord le Pamir (Tadjikistan), au centre la partie indienne de cette immense chaîne, à l’exception du Cachemire (zone trop dangereuse en raison d’une politique explosive). Il ne lui restait ensuite que la région du Népal oriental pour dresser une carte aérienne du « quartier », mais ceci était une autre paire de manche car le Népal oriental est plus soumis à la mousson et les périodes propices au vol très aléatoires. Mais surtout Philippe se laissait guider par de nouvelles inspirations qui pouvaient le mener autre part qu’en Asie centrale. Quoiqu’il en soit, le Népal était un lieu où nous avions décidé de nous rendre plusieurs mois pour vivre à trois, au rythme lent de la marche, l’expérience du nomadisme qui nous parle tant depuis toujours. Nous pensions à la Karnali, au Haut-Dolpo, au Mustang, autant de coins loin d’itinéraires trop fréquentés.

Ce 16 août, je pars seule avec Lou, le petit carnet de voyage de mon homme, quelques lectures (poésie surtout), une bonne pharmacie, et de nombreuses cartes népalaises encore un peu hermétiques… Si je pars, c’est qu’un ami de Philippe, Christophe Charpentier, qui vit la moitié de l’année au Népal depuis qu’il y a fondé une école, m’a tendue une perche que je ne pouvais refuser : celle de cheminer en sa compagnie et celle de Shandra, un dolpopa que Philippe avait rencontré en 2007, exactement dans les zones que nous rêvions d’arpenter à trois.

Fin août, de Katmandou, nous nous envolerons à l’Ouest complet du Népal pour Dhangadhi et le bout d’une piste, ici même où Philippe avait commencé à marcher pour son vol bivouac. Durant deux mois, nous marcherons sur un terrain que personne ne connaît, au moins jusqu’à Jumla. Nous aurons avec nous deux porteurs du coin que connaît Shandra, et je trouverai aussi une mule pour Lou (ou au pire embaucherai un autre porteur pour elle). Pour eux, le salaire que nous allons leur verser en trois mois de services loin des leurs les fait vivre une année entière. Nous marcherons à des altitudes assez élevées, entre 3000 et 5000 m, avec des passages de cols un peu plus hauts certainement. Après Jumla, nous continuons le sentier en terrain plus connu (pour Shandra du moins !), pour nous rendre à la frontière tibétaine, au village de Khomas, perché à 4500 m où Christophe a financé la construction de l’école. Nous pensons y arriver fin octobre. Nous comptons y rester le plus longtemps possible mais l’arrivée de l’hiver décidera pour nous… Allez voir le site Internet de notre association « Le chant des pistes » qui agit en faveur de cette école et des gens de Khomas : www.lechantdespistes.org J’essayerai d’aider, de partager un peu de pédagogie avec les professeurs, pendant que Lou apprendra le tibétain avec les enfants du village !!! J’aurai aussi le bonheur de pouvoir toucher à cette fameuse Montagne de Cristal, toute proche du village, que Philippe voulait atteindre en 2007, et qui lui avait été refusée, en fin de vol bivouac à cause de conditions météo trop dégradées. Puis, nous profiterons de la caravane de yacks de Khomas vers les plaines de Dunaï (où ils passeront l’hiver), pour redescendre nous aussi vers des milieux moins hostiles et finir notre marche à Pokhara. Seule avec Lou, je compte me rendre ensuite à quelques heures de pistes puis de chemin au nord, en direction des Annapurna, à la ferme de Suraya et Saraceuti Prasad Adhikari. Ils cultivent entre autre du café bio, et accueillent ceux qui veulent donner un coup de main en échange du gîte et du couvert. Nous nous poserons là jusque début janvier afin de profiter d’une vie de népalais, hindouistes cette fois-ci. Une bonne journée de trajet pour retourner à Katmandou, et nous nous envolerons pour être de retour le 3 janvier. Certainement plus vraiment nous même…


Pareil au nuage d’été qui, en harmonie avec le firmament et la terre, vogue librement dans le ciel bleu d’un horizon à l’autre, porté par le souffle de l’atmosphère, de même le pèlerin s’abandonne au souffle de la vie plus vaste qui le conduit au-delà des plus lointains horizons vers un but déjà présent en lui, mais encore caché à sa vue.

Lama Govinda, Le chemin des nuages blancs in Le léopard des neiges.

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